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L’évocation faite par Henri Laborit des premiers mois de la vie d’un être humain m’incite à tenter une autre lecture du chapitre 42. L’unité primordiale dont parlent les philosophes, c’est ce «moi-tout» dans lequel se trouve l’enfant à la naissance. Il était tout avant de naître et, après sa naissance, il continue d’être tout. Les nouvelles sensations qu’il éprouve ne contredisent pas les précédentes, elles s’y ajoutent. L’enfant ne vient pas au monde, il devient le monde. Il ne vit pas ce passage comme un changement de décor mais comme une transformation — une de plus — qui, d’ailleurs, ne s’arrête pas là: un jour il découvre l’étendue et les limites de son corps. Après l’expansion et l’éloignement, le retour. L’unité primordiale, le «moi-tout», se divise alors en deux parties: d’une part, son corps vécu de l’intérieur sans médiation aucune, son corps propre, et de l’autre le monde en face de lui, des corps-objets, qu’il connaît par l’intermédiaire des sens. Il découvrira plus tard le troisième terme — appelons-le l’absent —, notion qui contiendra d’abord les êtres et les lieux qui s’éclipsent pour un temps et qu’il retrouve après tels qu’il les avait laissés, mais qui s’étendra bientôt à tout ce qui n’est pas perçu par les sens, qui n’est présent que parce qu’il se le représente: ce qui fut mais qui n’est plus; ce qui sera et qu’il imagine; enfin, ce qu’il imagine, ou qu’on lui raconte, mais qui n’existe pas. Le trois engendre «les dix-mille êtres».
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