AVANT-PROPOS DE 1984

 

 

Le travail que je présente ici prend sa source dans une tradition étrangère à la devise qu’il commente et aux caractères qui la composent. Il rend hommage, à sa manière, à la civilisation qui a donné au monde le papier, l’estampe et la typographie, et aux générations de calligraphes, dont notre culture ignore les noms et méconnaît les mérites, mais qui jouissent d’un prestige égal à celui des poètes et des peintres en des contrées où l’on estime autant le mot et son image.

 

J’ai longtemps cherché les mots qui pourraient justifier cet emprunt. Avec les années, il m’a paru évident que tous les arguments que je pouvais développer, même les plus rigoureux et les plus convaincants, obéissaient à une sorte de logique propitiatoire, — substitut mental de ces actes quasi rituels par lesquels il n’est pas rare qu’un artiste conjure le doute qui accompagne inévitablement toute création. La Raison, que je me plaisais à invoquer, n’était en définitive qu’une forme secrète, ou du moins discrète, atténuée, de la superstition.

 

La vérité est plus simple. J’aime l’écriture, que je tiens pour l’une des valeurs essentielles de la civilisation. Ces pièces en sont le témoignage sincère, naïf peut-être; elles n’ont pas d’autre justification. C’est aussi ce qui explique leur extrême orientation car, dès lors qu’on s’intéresse à la calligraphie, c’est naturellement aux Chinois, et aux Arabes, qu’on demande des leçons. Non pas que l’art d’écrire soit ignoré en Occident, mais les artistes qui s’y illustrèrent furent sans doute scribes plus que calligraphes, et d’ailleurs ils ne furent même pas artistes, je veux dire qu’ils ne furent pas reconnus comme tels: dans cette partie du monde lorsqu’on parle de Belles-Lettres il s’agit de tout autre chose que de la beauté des lettres, et quoique d’une certaine manière, et en grec, il y soit question de Belles-Ecritures, la calligraphie n’y fut jamais considérée comme l’un des Beaux-Arts. Belle graphie ou belle écriture, on la dit belle en effet, mais c’est déjà trop dire. La langue chinoise est plus réservée, qui parle de discipline ou de méthode de l’écriture, et même d’écriture tout court, et la langue arabe montre sur ce point autant de retenue. Ce qui va sans dire ne va pas toujours mieux en le disant, et nous-mêmes ne croyons pas utile de préciser que nous parlons d’art quand nous prononçons les mots peinture et sculpture. L’écriture n’est donc pas un art, en Occident, et ce vide peut être ressenti comme une invitation au voyage, une incitation à une sorte de nomadisme culturel.

 

Mon travail ne surprendra pas par sa nouveauté. D’autres l’ont précédé, qui ont certainement fait preuve de plus d’audace. Ou de témérité. Je ne nie pas l’intérêt de ces recherches et ne conteste pas leur légitimité, mais je ne les suivrai pas non plus en leurs extrémités car, pour ma part, je ne conçois pas que l’on puisse libérer le signe de sa charge de signifier. La calligraphie y perd, me semble-t-il, sa substance et sa raison d’être, et l’art n’a rien à y gagner. Quant au signe, ce n’est pas quand il se plie au bon vouloir d’un auteur ou à la fantaisie d’un artiste qu’il me paraît le plus libre, mais au contraire quand il résiste et obtient leur respect. Si la copie servile n’a jamais produit que des objets de cire, trop vrais pour être beaux, la liberté et l’originalité n’ont souvent été, en ce siècle, que les noms respectables de l’inconstance et de la gratuité. D’où l’importance, peut-être excessive, que j’accorde dans ces pages au rapport qui s’établit entre le sens d’un texte et sa représentation, rapport généralement moins évident que je le prétends, plus subtil, quand il n’est pas douteux. C’est que, dispensé d’obéir aux règles qui régissent d’autres écritures, et peu empressé de me soumettre à celles dont je contestais pour un temps l’autorité, il me fallait trouver d’autres contraintes, cette nécessaire pesanteur contre quoi se dresser: ce fut, à part l’esthétique et la lisibilité, le sens des mots, que je décidai de traduire au plus près. Voie étroite, peut-être sans issue, où je me suis attardé néanmoins pour le plaisir de flâner.

 

Août 1984

 

 

 
  

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