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En chinois, c’est le contraire qui se produit. Même au niveau du langage ordinaire, la traduction pose à tout instant des problèmes insurmontables si l’on ne cultive pas la faculté de passer instantanément du mode nominal passif au mode verbal actif. Alors qu’en français nous prions un ami de nous donner la recette d’un plat que nous avons apprécié, un chinois lui demandera, plus simplement et plus directement, comment il l’a fait. Les adjectifs que l’on emploie couramment sont des verbes à peine affaiblis: rouge équivaut à être rouge et peut vouloir dire également rougir. La force évocatrice d’un tel langage a été illustrée par Ernest Fenollosa dans Le caractère chinois, matériau poétique. Dans la langue classique, un nom peut agir comme un verbe et, par exemple, lorsque Confucius dit que le père père, le deuxième mot est un verbe et la phrase signifie que le père doit se conduire en père. La poésie chinoise utilise une langue encore plus épurée et pratique constamment l’ellipse du sujet. Il n’est pas rare alors que celui-ci se confonde avec l’objet et que le spectateur semble ainsi se perdre dans le paysage qu’il contemple. La poésie rejoint par là la peinture et la musique. Une même vision du monde les a engendrées.
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