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Cette vision intérieure que nous révèle la peinture, nous la retrouvons dans la conception que les lettrés chinois se sont faite de la musique. Une musique dont la plus grande qualité est d’être «insipide», «sans saveur»; qui n’exprime rien par elle-même, car elle n’a «ni joie ni tristesse». Je tire l’essentiel de ces paragraphes sur la musique du livre de Georges Goormaghtigh, L’art du Qin, qui traduit et commente deux textes d’esthétique musicale chinoise, et qui contient quelques belles pages sur la ténuité des sons et la modulation du silence. Le qin ou guqin, l’antique cithare à sept cordes, fut l’instrument de prédilection des lettrés. L’un des textes présentés dans cet ouvrage est la Description poétique du qin de Ji Kang, poète, philosophe et musicien du IIIe siècle de notre ère: «… quand les gens tristes écoutent cette musique, ils sont remplis d’affliction et de peine […]. Quand les gens heureux l’écoutent, ils sont comblés de bonheur et de joie…». Autrement dit, les sentiments ne sont pas dans la musique, c’est en nous-mêmes que nous les trouvons. C’est pourquoi la meilleure musique est celle qui s’efface devant l’auditeur; les sons qu’elle produit sont ténus, raréfiés. Ils ne cherchent pas à couvrir le silence, mais seulement à le moduler.
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