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Le sixième paragraphe décrivait parole et écriture comme deux sœurs ennemies. C’était aller un peu vite en besogne et supposer le problème résolu; c’était aussi, d’une certaine manière, adopter sans l’avouer le point de vue chinois. Non pas qu’en Chine leurs relations soient particulièrement belliqueuses — c’est même tout le contraire—, mais nulle part ailleurs on ne peut leur découvrir un tel lien de parenté. L’écriture chinoise n’est pas fille de la parole: elles sont sœurs. L’une et l’autre totalement indépendantes, elles renvoient chacune directement à l’objet signifié. C’est en Occident que le signe écrit est issu du langage parlé. La querelle qui les oppose est en quelque sorte un conflit de générations. La plupart des auteurs dont j’ai consulté les ouvrages s’accordent sur ce point: en Chine, l’oral et l’écrit se présentent comme deux modes d’expression parallèles. Les signes de l’écriture chinoise ne se réfèrent pas d’abord au son des mots dont ils tireraient ensuite tout leur sens, comme font les lettres de l’alphabet. Ils fonctionnent plutôt à la manière des chiffres en ce sens qu’ils rendent immédiatement présents à notre esprit, indépendamment de la manière dont on les prononce, les objets et les concepts qu’ils désignent. Ou qu’ils dessinent — si l’on s’en tient à leur racine latine, ces deux mots ne font qu’un.
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