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Nous mimons, et pas seulement intérieurement, les êtres et les choses que nous approchons. On a beaucoup écrit sur le mimétisme et sur les rapports qu’il entretient avec la violence et le sacré: René Girard en a fait l’élément moteur de ce qu’il appelle le mécanisme victimaire. Derrière l’apparente complexité de ses analyses, son intuition repose en réalité sur la même faculté d’imitation que les paragraphes précédents découvraient avec des yeux d’enfants. Une faculté que nous partageons avec les espèces animales les plus évoluées – sans toutefois bénéficier de la protection que leur assure un instinct dont nous sommes privés – qui rend désirable à nos yeux les objets que d’autres désirent et nous pousse à nous approprier les biens dont ils jouissent. Les conflits qui en résultent dégénèrent inévitablement et, par un effet de contamination mimétique, se focalisent sur une victime unique, que l’on accuse d’être responsable de la décomposition du tissu social, un bouc émissaire qui devient, après sa mise à mort par le groupe réuni, l’artisan merveilleux du retour à la paix. Ainsi décryptés, les mythes, les rites et les interdits des religions primitives laisseraient entrevoir le rôle capital qu’a pu jouer le mimétisme à l’aube de la civilisation. Mais le sujet est loin d’être épuisé et il y aurait sans doute beaucoup à dire sur le rôle qu’il joue, à chaque instant de notre vie, dans la perception que nous avons du monde environnant. Peut-être démontrera-t-on un jour — peut-être a-t-on déjà démontré — que le mimétisme n’est pas seulement un phénomène lié à la connaissance mais qu’il est lui-même l’instrument de cette connaissance.
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