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L’auteur du Laozi (Lao Tseu) ne parle pas de création mais de commencement. J’imagine que les faits qu’il rapporte sont sont ceux qu’il a vécus et que, pour les comprendre, le lecteur doit s’efforcer de les revivre à son tour de l’intérieur. Son texte ne nous apprend pas comment ont surgi les objets du monde qui nous environne, il retrace plutôt l’expérience incommunicable de la naissance d’un sujet. Son récit est celui que ferait un nouveau-né ou un fœtus dont la conscience s’éveille, si l’un ou l’autre pouvait parler. Il a d’abord été cette chose mélangée et confuse qui est apparue avant le ciel et la terre, qui demeurait là, seule et immobile. Rien ne lui étant extérieur, cette chose s’étendait à l’infini; plus loin, dans le même chapitre, il parlera d’expansion, d’éloignement puis de retour. Avant même que les organes des sens apparaissent à leur place, il percevait en lui-même une circulation — au sens propre, un mouvement circulaire —, la circulation incessante de l’énergie vitale, des humeurs et du sang, le va-et-vient de toute la matière nécessaire à la transformation d’un corps en gestation. Tout élément extérieur était naturellement perçu comme faisant partie de ce mouvement. Dans ce récit des origines, sa naissance ne fut qu’un épisode. C’est sa conception qui représente pour lui le commencement absolu, même s’il est incapable d’imaginer ce temps où il n’était pas encore. Instant inaccessible. «Mystère des mystères. Porte de tous les prodiges.»
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