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Existe-t-il un critère objectif permettant de reconnaître une œuvre d’art ou devons-nous accepter que l’artiste jouisse en cette matière d’un droit régalien qui l’autorise à déclarer artistique tout objet qu’il lui aura plu d’anoblir? L’œuvre d’art ou, si l’on préfère, cette qualité qui élève certains objets au-dessus des choses ordinaires, a-t-elle une existence propre ou ne prend-elle forme que derrière les remparts de notre subjectivité, en un point focal où convergeraient ces goûts et ces couleurs dont, paraît-il, on ne discute pas? La réponse, il me semble, ne peut être qu’ambiguë. Car la fascination que l’art exerce et l’efficacité que tous reconnaissent à ses œuvres sont dues, précisément, à leur position charnière d’objets inertes, qui s’animent pourtant d’une vie particulière dans la subjectivité de chacun. S’il y a un mystère de l’art, il est tout entier dans ce pouvoir qu’il a de métamorphoser une matière sans vie en un être doué de présence. Les princes, les prêtres et les sorciers ne s’y sont pas trompés qui firent des artistes leurs alliés privilégiés — ou, quand ils ne les trouvaient pas assez soumis, leurs ennemis jurés. Les artistes eux-mêmes contribuèrent à épaissir ce mystère dont ils tirèrent un prestige démesuré. Mais, quand il y a mystère, n’est-ce pas seulement que l’explication tarde à venir?
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