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Les caractères chinois semblent flotter dans l’espace, en état d’apesanteur, ou plutôt de lévitation, car ils conservent un centre de gravité et ne paraissent pas échapper complètement à l’attraction terrestre. Les lettres de l’alphabet arabe semblent pendues au-dessus du vide; leurs courbes sont celles d’une étoffe tombant librement et qui, tenue par les deux bouts, ne toucherait le sol que par endroits. L’écriture latine, pour sa part, tient plus de la colonne, de l’arc et de la voûte. Elle se dresse sur le sol, et son pied s’élargit même comme pour lui assurer une meilleure assise. Il serait tentant de voir dans cette descente progressive de l’air à la terre, dans cette dépendance croissante à l’égard de la pesanteur, une relation étroite avec la question qui nous occupe. Ou d’imaginer que la part de nous-mêmes qui les perçoit et qui les mime s’identifie plus volontiers aux caractères chinois, qui ont une tête, un corps et des membres, qu’à un morceau d’étoffe ou d’architecture. Mais ce serait oublier qu’une écriture a toujours la liberté de s’éloigner du type originel, de nier tout déterminisme et de se situer même, par jeu ou par nécessité, à l’exact opposé du lieu où on l’attendait.
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