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Une civilisation place le verbe à l’origine de toutes choses. Elle affirme que rien de ce qui est n’a été fait sans lui. Elle assure qu’il s’est fait chair et qu’il a habité parmi les hommes. Elle obtient que tous, bergers ou rois, s’inclinent devant son incarnation. Elle prédit que le ciel et la terre passeront mais que ses paroles ne passeront pas. Elle conserve ces mots éternels dans un livre que l’on n’approche qu’avec respect et crainte; un livre — une bibliothèque — qui inspire à ses artistes leurs œuvres les plus belles et qui impose à ses savants le cadre exact en dehors duquel leur esprit s’égarerait. Chaque signe de ce texte est sacré et pour une virgule oubliée on envoie un homme au bûcher. Cette civilisation, éprise de mots, fascinée par leur pouvoir, n’accorde cependant qu’un regard distrait au seul visage qu’elle leur connaisse.
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